L'assurance chômage
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Depuis le 22 février 2018, les syndicats de salariés et le patronat ont débuté leur négociation au travers de l’Accord National Interprofessionnel relatif à la réforme de l’assurance chômage. En novembre 2018, un dossier de référence qui réunit toutes les données et analyses utiles a été remis aux négociateurs.
Le ministère du Travail a publié le 28 juillet 2019 au Journal Officiel le décret mettant en œuvre la réforme de l’assurance-chômage. Il fait suite à la présentation des arbitrages du Gouvernement du 18 juin 2019. Ce texte de sept articles comprend une annexe de 190 pages qui constitue le nouveau règlement de l’assurance-chômage. Le décret abroge l'agrément de la convention d'assurance chômage du 14 avril 2017 et de ses textes associés.
Un premier décret relatif aux droits et aux obligations des demandeurs d'emploi et au transfert du suivi de la recherche d'emploi avait déjà été publié au Journal officiel du 30 décembre 2018. Il étend notamment l'obligation d'accomplir des actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, et abroge la définition du salaire antérieurement perçu qui était pris en compte pour déterminer l'offre raisonnable d'emploi.
Les services de l’Unédic ont publié leur circulaire n° 2019-12 du 1er novembre 2019 sur les nouvelles règles de l’assurance chômage, modifiée par la circulaire n° 2020-12 du 6 octobre 2020, et Pôle emploi a mis en ligne 4 infographies pour expliciter en images les modifications des nouvelles règles.
L’UNEDIC a par ailleurs mis en place sur son site Internet un espace Questions-Réponses sur les allocations chômage, les contributions et le fonctionnement de l’Assurance chômage.
L'UNEDIC a publié en mai 2020 un dossier de synthèse sur les impacts de la crise sanitaire et les perspectives sur l’assurance chômage.
Nouveaux bénéficiaires
La réforme porte notamment sur la mise en place d’une « allocation d'aide au retour à l'emploi » pour les démissionnaires porteurs d’un nouveau projet professionnel, ainsi que sur un droit à l’indemnisation des entrepreneurs en liquidation judiciaire.
Les travailleurs indépendants auront désormais droit à l’assurance chômage, sans cotisation supplémentaire
En application au 1er novembre 2019
- L’indemnisation sera de 800 € par mois pendant 6 mois.
- L’activité professionnelle devra avoir généré un revenu minimum de 10 000 € par an sur les deux dernières années, avant liquidation judiciaire.
- Il n’y aura pas de limite d’accès au cours de la vie professionnelle : un travailleur indépendant pourra bénéficier plusieurs fois de la mesure, à condition de remplir, à chaque fois, les critères posés.
Textes d'application
Décret n° 2019-976 du 20 septembre 2019 Allocation des travailleurs indépendants
Tous les salariés ayant au moins 5 ans d’ancienneté dans leur entreprise auront droit à l’assurance chômage quand ils démissionnent pour réaliser un projet professionnel
En application au 1er novembre 2019
- Le niveau d’indemnisation sera le même que pour les autres demandeurs d’emploi.
- Ce droit sera renouvelé tous les 5 ans, soit 8 fois sur une vie professionnelle de 40 ans.
- Il sera conditionné à l’existence d’un projet professionnel.
Textes d'application
Décret n° 2019-796 du 26 juillet 2019 Conditions et règles de mise en œuvre
Arrêté du 23 octobre 2019 Contenu de la demande d’attestation du caractère réel et sérieux des projets
Tous les salariés seront gratuitement accompagnés pour élaborer et réaliser leur projet professionnel lorsqu’ils démissionnent
En application au 1er janvier 2020
- Créé par les partenaires sociaux, le conseil en évolution professionnelle (CEP), ouvert à tous les salariés, sera déployé sur l’ensemble du territoire à partir du 1er janvier 2020.
- Gratuit, le CEP permettra à chaque salarié, en amont de sa démission, d’élaborer son projet et d’être accompagné dans sa phase de transition.
- Grâce à Mon Compte Formation, accessible par une application simple fin novembre, les salariés pourront financer le volet « formation » de leur projet professionnel, sans autorisation à demander à leur employeur ou à Pôle emploi.
Contrats courts
La réforme comporte un axe visant à réduire l’utilisation des contrats courts.
Pour lutter contre la précarité et l’enchaînement des CDD ou des missions d’intérim, un système de bonus-malus pour les entreprises de plus de 11 salariés sera mis en place
En application au 1er janvier 2020
- Ce système fonctionnera par grand secteur économique, de façon à tenir compte de la spécificité des secteurs et des entreprises. Il couvrira dans un premier temps les 7 secteurs les plus concernés, représentant eux-mêmes 34% des ruptures de contrat de travail. Après évaluation, le système pourra être étendu à l’ensemble de l’économie.
- Le bonus-malus fonctionnera de la manière suivante : plus le nombre de salariés qui s’inscrivent à Pôle emploi après avoir travaillé pour une entreprise est important par rapport à son effectif, plus une entreprise paiera de cotisations patronales à l’assurance chômage. À l’inverse, plus une entreprise fera d’efforts pour réduire le nombre de personnes qui s’inscrivent à Pôle emploi (moins de fins de CDD, de fins de mission d’intérim, de licenciements, de ruptures conventionnelle…), moins elle paiera de cotisations.
- Les cotisations varieront entre 3 et 5% de la masse salariale, en fonction de la pratique de l’entreprise.
- Les CDD d’usage se verront appliquer une taxe forfaitaire de 10 €, pour inciter les entreprises qui en abusent à proposer des contrats d’une semaine ou d’un mois plutôt que de quelques heures chaque jour.
Les employeurs de salariés intermittents (annexes VIII et X de l’assurance chômage) ne seront pas concernées par cette mesure, mais conserveront la cotisation patronale supplémentaire de 0,5% introduite par la convention de mars 2017.
En contrepartie de cette mesure de bonus-malus, les entreprises bénéficieront d’une nouvelle offre de services de Pôle emploi, leur permettant de répondre plus rapidement et plus efficacement à leurs difficultés de recrutement
En application à partir du 1er janvier 2020
- Dès lors qu’une offre d’emploi sera restée sans réponse plus de 30 jours après son dépôt, Pôle emploi recontactera l’entreprise et lui proposera le service adapté : travail sur le contenu de l’offre, pré-selection de candidats, mise en place d’actions de formations préalables au recrutement… Un engagement contractualisé de délai de mise en œuvre sera pris avec l’entreprise.
- La préparation opérationnelle à l’emploi sera mobilisée et renforcée pour répondre aux besoins en compétences, notamment dans les bassins où les difficultés de recrutement sont les plus grandes.
Accompagnement des demandeurs d'emploi
La réforme de l’assurance chômage comporte un volet sur le renforcement de l’accompagnement et du contrôle des demandeurs d’emploi : mise en place d’un carnet de bord numérique, redéfinition de l’offre raisonnable d’emploi et intensification des contrôles.
Il ne sera plus possible de gagner davantage au chômage qu’en travaillant
En application au 1er septembre 2020
Les règles d’indemnisation seront revues de façon à ce qu’il ne soit plus possible d’avoir une indemnisation chômage qui soit supérieure à la moyenne des revenus du travail.
Les indemnités chômage seront désormais calculées sur le revenu mensuel moyen du travail, et non sur les seuls jours travaillés comme aujourd’hui.
Les indemnités chômage ne pourront jamais être inférieures à 65% du salaire net mensuel moyen. Elles ne pourront jamais dépasser le montant du salaire net mensuel moyen, alors qu’elles peuvent être aujourd’hui deux fois supérieures à ce salaire. Par exemple, tous les salariés, qui ont gagné en moyenne 1 200 € par mois (soit l’équivalent du Smic) sur une période d’un an, auront une indemnité de 960 € par mois pendant 12 mois.
Il faudra davantage travailler pour ouvrir des droits à l’assurance chômage
En application au 1er novembre 2019
Pour accéder à l’assurance chômage, il fallait avoir travaillé, au minimum, 4 mois sur les 28 derniers mois. La période de travail minimum pour accéder à l’assurance chômage sera ramenée à 6 mois sur 24.
Le principe de rechargement des droits, créé par les partenaires sociaux en 2014, sera maintenu. Grâce à ce principe, chaque jour travaillé permet de gagner deux jours d’indemnisation : un jour au titre de la non-indemnisation (un jour travaillé n’est pas indemnisé, et décale donc d’un jour la fin de période d’indemnisation) et un jour au titre de la cotisation (chaque jour travaillé est comptabilisé pour ouvrir des droits supplémentaires à l’indemnisation, à partir d’un certain seuil).
Le seuil minimum de rechargement sera ramené à 6 mois, au lieu d’un mois aujourd’hui. Ainsi, que l’on soit salarié ou demandeur d’emploi en situation de cumul emploi-chômage, il faudra avoir travaillé six mois pour ouvrir un nouveau droit à l’assurance chômage.
Textes d'application
Décret n° 2020-361 du 27 mars 2020 (portant modification du décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 modifié relatif au régime d'assurance chômage) Report au 1er septembre de la 2ème phase de la réforme de l’assurance chômage
Circulaire n° 2020-06 du 29 avril 2020 Report de l’entrée en vigueur de certaines dispositions du règlement d’assurance chômage annexé au décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 et autres mesures d’urgence liées à la Covid-19
Des mesures provisoires quant à la prolongation des droits et calcul de la période de référence
Décret n° 2020-929 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures relatives au régime d’assurance chômage
Arrêté du 22 juillet 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L 5421-2 du Code du travail
Les modalités d’indemnisation du chômage tiendront désormais compte du niveau de revenu des salariés
En application au 1er janvier 2021
Les salariés avec un revenu du travail supérieur à 4 500 € bruts par mois verront leur indemnisation réduite, au début du 7ème mois d’indemnisation, de 30%, avec un plancher.
Ce plancher sera fixé à 2 261 € nets d’indemnisation. Lorsqu’elle est initialement supérieure à 2 261 € nets par mois, l’indemnisation ne pourra jamais baisser en-dessous de ce plancher : par exemple, si l’indemnisation de départ est de 2 270 €, elle ne sera ainsi réduite que de 9 €.
Tous les salariés âgés de 57 ans ou plus ne seront pas concernés par la mesure.
Tous les demandeurs d’emploi ayant reçu une proposition d’emploi stable mais qui doivent préalablement mettre à niveau leurs compétences pourront bénéficier d’une formation sur-mesure
En application à partir du 1er janvier 2020
La formation sera assurée par Pôle emploi, via le financement du plan d’investissement dans les compétences (PIC).
Il s’agira d’une formation « sur-mesure », la préparation opérationnelle à l’emploi (POE), créée par les partenaires sociaux en 2009, qui permet à la personne d’acquérir les compétences qui correspondent à l’offre d’emploi.
Tous les demandeurs d’emploi qui le souhaitent auront droit, dans les 4 premières semaines qui suivent leur inscription à Pôle emploi, à deux demi-journées d’accompagnement intensif avec Pôle emploi
En application à partir du 1er janvier 2020
La première demi-journée sera consacrée au diagnostic individualisé de la situation de la personne, à l’appropriation des nouveaux outils de Pôle emploi pour faciliter la recherche d’emploi et à la présentation de la situation du marché du travail sur le bassin d’emploi de la personne.
La deuxième demi-journée sera consacrée, selon la situation de la personne :
- à des rendez-vous avec des entreprises qui proposent des emplois, lorsque le projet professionnel de la personne est mûr,
- à mieux maitriser les techniques efficaces de recherche d’emploi (exemple : valorisation de ses atouts, rédaction du CV, conseils pour réussir son entretien de recrutement, conseils de recherche pour mieux cibler les entreprises…),
- à une prise de conscience des atouts et des potentiels à valoriser de la personne, pour commencer à élaborer un projet professionnel, lorsque celui-ci n’est pas mûr et à identifier si nécessaire le parcours de formation adapté.
La nouvelle offre de service sera progressivement déployée à partir du 1er janvier 2020, et tous les conseillers de Pôle emploi seront formés à cette nouvelle offre d’ici l’été 2020.
Les demandeurs d’emploi en situation de cumul ou d’alternance prolongés entre emploi et chômage (travailleurs précaires) bénéficieront d’un accompagnement dédié
En application à partir du 1er janvier 2020
Cet accompagnement fera l’objet d’une prestation particulière, que Pôle emploi confiera à des opérateurs privés. Cela permettra d’apporter une aide construite spécifiquement pour ce public, avec notamment des horaires d’ouverture et d’accompagnement le soir et le weekend, puisque les personnes concernées sont en emploi.
L’objectif de cette prestation est de réactiver la recherche d’emploi des travailleurs précaires en faisant un diagnostic en profondeur des causes de l’alternance entre emploi et chômage et en leur donnant les moyens de mobiliser les services, prestations et formations adaptés à leur situation, pour lever les freins à leur reprise d’emploi durable et leur entrée en formation.
Les demandeurs d’emploi bénéficieront de nouvelles aides concrètes pour répondre à une offre d’emploi
En application au 1er janvier 2020
Ces mesures seront affinées et adaptées aux réalités des territoires au cours de la mobilisation territoriale lancée par le Premier Ministre et animée par les préfets de région et par les présidents de conseils régionaux, pour une mise en œuvre au début de l’année 2020.
Il s’agit de discuter au plus près des territoires des besoins d’accompagnement, qui peuvent être spécifiques en fonction des territoires, des bassins d’emploi, des quartiers. Il pourra s’agir par exemple d’aides à la garde d’enfants et à la mobilité.
Gouvernance
La réforme de l’assurance chômage comporte une évolution de la gouvernance avec notamment un rôle de l’État qui sera plus prépondérant.
Le Gouvernement a annoncé que l’État aura un rôle accru dans le pilotage du régime d’Assurance chômage, tout en conservant aux partenaires sociaux une place déterminante.
En amont des négociations, un document de cadrage sera transmis aux partenaires sociaux, précisant la trajectoire financière à respecter et fixant des objectifs pour l’évolution des règles de l’assurance chômage.
Si la convention négociée manque à ces principes, l’État pourra définir par décret les paramètres du régime.
L'exécutif s'autorise également à toucher par décret à la possibilité qui existe aujourd'hui de cumuler une allocation chômage et des revenus de travail.