Portrait de projet
Un maillon de parcours, passerelle entre deux dispositifs Compétences clés
Comment accompagner des publics sans qualification dans leur projet professionnel et dans l'acquisition de la certification CléA sans rupture de parcours ?
Contexte
Contexte
L’AFIPP (Association pour la formation et l’insertion professionnelle de Picardie) accompagne des publics essentiellement privés d’emploi ou en reclassement professionnel dans le cadre d’une mission d’intérêt général (SIEG) pour une insertion professionnelle réaliste et durable.
Sélectionné dans le cadre du Programme Régional de Formation « Compétences clés », l’AFIPP intervient ainsi sur deux actions « Se former pour lire, écrire et agir (LEA) » et « Dynamique vers l’emploi (DVE) ». Le passage entre ces deux dispositifs reste compliqué pour certains de leurs stagiaires au regard des attentes du dispositif DVE qui nécessite une certaine maîtrise des compétences de base, notamment en lecture et en écriture ainsi qu’une capacité à organiser en amont sa disponibilité pour concrétiser un projet professionnel réaliste.
Les dispositifs régionaux Compétences clés
Le dispositif régional « Compétences clés » destiné à un public prioritairement dépourvu de diplôme permet de proposer un parcours individualisé comportant un accompagnement à caractère social, pédagogique et professionnel. Il comprend trois programmes : Se former pour lire, écrire, agir (LEA), Dynamique vers l’emploi (DVE) et Langues étrangères (FE).
LEA apporte des solutions adaptées et individualisées par rapport aux savoirs fondamentaux.
DVE vise l’acquisition de la certification CléA, l’élaboration et la validation d’un projet professionnel réaliste et réalisable ainsi que la capacité à s’orienter tout au long de la vie en réelle autonomie.
Ces deux actions se déclinent conjointement ou non en fonction des difficultés d’apprentissage et d’insertion du public dans l’objectif de sécuriser le parcours vers la qualification et/ou l’emploi.
En toute logique, les stagiaires du LEA ayant un projet professionnel défini devraient intégrer le dispositif DVE. Pourtant, des stagiaires du LEA motivés et avec un projet professionnel réaliste et réalisable ne candidatent pas au dispositif DVE. Des freins subsistent au niveau des prérequis pour l’entrée dans ce programme. Ces freins sont d’ordre communicationnel et organisationnel. Communication orale et écrite en contexte d’insertion professionnelle, organisation des temps de vie personnel pour se rendre disponible, notamment pour des stages en entreprises. D’autres stagiaires n’ayant pas acquis les compétences attendues à l’entrée en DVE risquent de ne pas aboutir dans l’élaboration de leur projet. Des abandons se produisent et il est fréquent que certains d’entre eux reviennent quelques années plus tard pour bénéficier à nouveau d’un accompagnement à l’insertion.
Solution
Solution
L’expérimentation porte sur la construction d’un maillon de parcours à finalité projet professionnel comme passerelle entre les deux dispositifs Compétences clés. Le maillon de parcours articule des actions de renforcement des compétences de base aux référentiels des certifications professionnelles et des métiers visés. Le maillon créé par l’AFIPP a pour objectif de permettre aux stagiaires d’atteindre les prérequis d’entrée pour entrer dans le programme DVE en renforçant des compétences communicationnelles, organisationnelles et réflexives.
Déclic Compétences clés et l’expérimentation Fab’Map
Pour structurer davantage les apprentissages des compétences transversales au sein des actions de formation aux compétences clés, la Région a déployé dans le cadre du Pacte Hauts-de-France une expérimentation « Déclic Compétences clés » s’appuyant sur l’utilisation de la carte de compétence transversales RECTEC proposée par la fabrique des maillons de parcours « Fab’Map ».
Organiser une continuité entre l’amont et l’aval d’un parcours en créant des modules courts de formation (80 à 150 heures) axés sur le repérage et l’acquisition de compétences sont les ambitions du projet Fab’Map.
L’organisme AFIPP a intégré en 2020 l’expérimentation Fab’Map dans le cadre du Déclic Compétences clés. Son ambition est d’optimiser son accompagnement auprès des stagiaires pour leur assurer un parcours sans rupture entre les deux dispositifs et ainsi favoriser leur employabilité en lien avec une certification. Le projet vise donc à faciliter l’accès, des personnes peu qualifiées, à des parcours certifiants de niveaux 3 et 4 en créant des modules de formation courts axés sur l’acquisition des compétences transversales.
La carte de compétences
La carte de compétences transversales développée dans le cadre du projet RECTEC est un référentiel de 12 compétences transversales regroupées en quatre pôles : communicationnel, réflexif-personnel, organisationnel et réflexif-actionnel.
La carte permet une identification fine et graduée des compétences toujours contextualisées à travers des mises en situation. Très visuelle, elle permet aux stagiaires de se positionner rapidement et d’identifier les compétences restant à acquérir pour réaliser son projet.
L’élaboration du maillon
Pour l’élaboration du maillon, l’AFIPP a bénéficié de deux jours de formation et d’un accompagnement individualisé dans le cadre du projet Fab’Map.
Cet accompagnement a consisté en :
- L’objectivation de la problématique rencontrée par les stagiaires et définition de la finalité du maillon à créer
- L’identification des compétences attendues pour entrer dans le programme DVE,
- L’élaboration, à partir de RECTEC, d’une carte de compétences ajustée à la finalité du maillon
- L’élaboration du maillon
- La réalisation avec les stagiaires d’un premier positionnement sur la carte des compétences
Le maillon élaboré, d’une durée de 100 heures, vise l’acquisition de huit compétences et se décline en trois phases permettant de les acquérir.
Une séance d’évaluation et d’auto-positionnement a été réalisée auprès des stagiaires sous forme d’atelier pour présenter la démarche, repérer des compétences acquises lors d’activités professionnelles ou personnelles. Avec cette méthode, les compétences transversales ne sont plus abordées de façon cloisonnées, elles sont au contraire toujours contextualisées à travers des mises en situation. Cette séance expérimentée en salle constitue un des éléments du maillon.
Les compétences ainsi validées sont traduites par un positionnement sur la carte élaborée à partir de la carte RECTEC. Les stagiaires visualisent ainsi leurs acquis en termes de compétences transversales sur les différents axes ainsi que le palier sur lequel ils se situent. La carte leur donne une vision globale de leurs compétences contrairement au référentiel (grille d’évaluation binaire et par domaine). Ils identifient rapidement non seulement les axes prioritaires de progrès à réaliser mais aussi les compétences acquises favorisant le renforcement de la confiance en soi.
Moyens mobilisés
Moyens mobilisés
Pour s’approprier l’ingénierie d’évaluation et de formation, maîtriser le vocabulaire et les critères de la carte de compétences RECTEC, élaborer les traces de compétences transversales identifiées…, les six membres de l’équipe mobilisée par la direction de l’AFIPP sur l’expérimentation ont été accompagnés par un expert RECTEC tout au long du projet.
Dans le cadre de l’expérimentation, l’AFIPP a pu bénéficier d’un accompagnement de proximité par un expert RECTEC, Ethel WILLIOT.
Cet accompagnement se traduit non seulement au niveau de l’appropriation de la démarche mais aussi au niveau du travail de rétro ingénierie du maillon, sur la formalisation des consignes et l’analyse des écrits, sur la traçabilité des compétences. Mises à disposition de ressources, ateliers en visio-conférence, allers-retours par mails formalisent ce soutien. Création d’un Padlet par l’AFIPP, outil collaboratif pour partager les documents.
Quatre formatrices ont été formées à la démarche et ont participé au choix de la finalité du maillon. Deux cheffes de projets ont conçu l’ingénierie du maillon (modules, séquençage, temporalité, carte de compétences, auto-positionnement). D’autres collaborateurs se sont joints dans la phase d’évaluation. En finalité, l’expérimentation représente un travail d’équipe important au sein de la structure.
Résultats
Résultats
L’utilisation de la carte de compétences en séance d’évaluation a permis d’identifier et de rendre visible les compétences des dix stagiaires participant à l’expérimentation. L’approche réflexive pour traduire son expérience en compétences a favorisé la valorisation des acquis des stagiaires.
L’équipe AFIPP a expérimenté la méthodologie RECTEC / Fab’Map auprès de dix stagiaires intégrés dans le programme LEA. La séance de positionnement, première étape du maillon, a permis à neuf stagiaires d’identifier leurs compétences et de se projeter dans une suite de parcours en intégrant le programme DVE pour travailler leur projet professionnel.
L’apprenant acteur dans son évaluation
La séance d’évaluation a permis de développer la réflexivité des stagiaires. Ils sont impliqués activement dans l’analyse du positionnement de leurs compétences sur la carte, en groupe et/ ou individuellement. Cette activité leur a permis de prendre conscience de leurs compétences et de se sentir valorisés. Associer les compétences transversales à des compétences techniques facilite ainsi le repérage des axes de progrès, de construire le maillon au plus près des besoins individuels et être tourné vers l’essentiel. Les stagiaires ont été amenés à mieux valoriser leurs acquis professionnels et personnels.
Quelques exemples de compétences évaluées lors de la séance : communiquer à l’oral sur son parcours, ses activités et les situer dans le temps, utiliser les ressources numériques en lien avec son projet, comprendre et remplir des écrits liés à son identité et son entrée en formation, identifier les obstacles à surmonter en vue de son insertion professionnelle …
Un maillon pour une réponse individualisée
La séquence d’évaluation ou d’auto-positionnement est une étape clé de la démarche. Elle permet aux stagiaires d’identifier, de verbaliser ses besoins en compétences et pour le formateur de cibler avec précision les axes prioritaires d’accompagnement. Il s’agira alors de se focaliser sur l’essentiel aussi, l’ensemble des contenus du maillon ne sera pas nécessaire pour tous.
L’AFIPP travaille sur des entrées et sorties permanentes. Lors de l’expérimentation en salle, certains stagiaires avaient déjà réalisé un nombre conséquent d’heures dans le programme LEA. Peu confiants pour certains quant à leurs capacités d’entrer en DVE, plusieurs stagiaires ont pu s’apercevoir qu’ils avaient déjà atteint les prérequis, et ainsi réduire leur parcours.
Réussites et freins
Résussites et freins
Les finalités de l’expérimentation s’inscrivent dans les objectifs du dispositif DVE à savoir : identifier et consolider un projet professionnel réaliste et réalisable en développant en amont des compétences transversales en communication orale et écrite et en organisation. Un temps important consacré à l’appropriation de la démarche est nécessaire pour créer un maillon de parcours. L’ingénierie de l’évaluation amène ainsi les formateurs à revisiter leurs méthodes et supports pédagogiques.
Une appropriation progressive de la démarche
Pour mener à bien l’expérimentation, un temps de professionnalisation sur la méthodologie est nécessaire afin que les formateurs acteurs puissent maîtriser la carte de la compétence et les étapes de la construction du maillon. Formation et accompagnement permettent non seulement de répondre aux interrogations de formateurs mais aussi de les monter en compétence sur la rétro-ingénierie d’un projet. Cette méthodologie de projet permet un déploiement progressif, avec une conceptualisation et des outils construits chemin faisant.
Pour le stagiaire, c’est un éclairage nouveau qui fait sens pour lui rapidement. Il se retrouve au cœur de son parcours, totalement participatif. Cela enclenche une dynamique et de la motivation.
Le renouvellement des pratiques du formateur
L’accompagnement de l’experte RECTEC sur l’élaboration du maillon (construction de la carte et ingénierie d’évaluation et de formation) a amené les formateurs à revisiter leurs méthodes et supports pédagogiques. L’équipe a travaillé sur l’amélioration des supports d’évaluation à l’écrit. Réécriture des consignes, formulations simplifiées pour une meilleure compréhension des stagiaires, analyse fine des écrits produits, identification des traces pour valoriser les compétences sont les chantiers mis en œuvre pendant l’expérimentation. Ils se sont traduits par la création de supports collaboratifs pour garder les traces et les documents. Les formateurs ont travaillé ensemble et revisité les modules non plus en termes de disciplines mais par projet en situation. Au-delà du changement de pratiques, les formateurs ont développé une nouvelle expertise.
Et demain?
Et demain?
L’AFIPP poursuit l’ingénierie fine des modules du maillon et propose déjà des activités pour répondre aux besoins de développement de compétences des stagiaires de l’expérimentation. Aller plus loin dans le déploiement de la méthode sur d’autres programmes est en cours.
Son enjeu, c’est aussi de créer une dynamique autour de l’évaluation des compétences transversales avec les acteurs du territoire en lien avec le parcours de formation du porteur de projet professionnel. La question du référentiel partagé à tous les niveaux du parcours, l’utilisation d’un langage commun pour sécuriser les processus d’entrée en formation semblent une étape incontournable pour sécuriser le parcours. Ce maillon de parcours s’intégrant dans un projet professionnel avec une certification, il influe sur l’environnement et les acteurs concernés du projet : financeur, prescripteur, organismes de formation.
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