Portrait de projet
Fab'Num : une Fabrique pour, et par les jeunes
Comment remobiliser et développer des compétences pour des jeunes adultes en situation de décrochage scolaire par la fabrication de biens numériques au service des territoires ?
Contexte
Contexte
L’histoire commence par une rencontre lors d’un séminaire autour de la politique de la ville entre Lionel Emery, directeur de FCP, et Emmanuel Letourneur, directeur de la fabrique numérique « Fab’Num » de Gonesse. Le directeur de FCP découvre la Fabrique « le lieu, où tout est possible ! » et leurs méthodes pédagogiques innovantes basées sur le « faire en situation, en mode projet ». La fabrique Numérique en Hauts-de-France est lancée. Les acteurs de la MEL se mobilisent pour expérimenter deux fablabs et deux tiers lieux sur les villes de Hem et de Marcq-en-Baroeul.
La fabrique Numérique de Gonesse
Initié par Pop Ile-de-France pour la ville de Gonesse, ce dispositif de remobilisation intensif en 5 mois, destiné à des jeunes de 16 à 25 ans déscolarisés sans diplôme ni qualification existe depuis 2015. Il s’appuie sur un FabLab (laboratoire de fabrication numérique) à vocation sociale. Les jeunes apprenants réalisent des projets concrets, utiles à la collectivité, en réponse aux demandes des services de la Ville et des associations partenaires. Six mois après leur passage à la Fabrique Numérique, 80% des jeunes sont de retour en formation, en emploi, ou ont créé leur activité. Ce dispositif a été reconnu au niveau national et international.
La Fabrique numérique de Marcq-en-Baroeul et de Hem
L’association FCP (Prévention Culture Formation) et l’organisme de formation Ordinat’Hem s’associent pour expérimenter un dispositif de formation innovant basé sur l’organisation d’un système de production pour développer des compétences professionnelles pour un public en difficulté d’insertion professionnelle inspiré de la fab’Num de Gonesse en 2019.
L’objectif est de lutter contre le décrochage scolaire en plaçant les jeunes au coeur de l’apprentissage par une mise en situation de « faire » en développant un esprit de Maker et de Citoyen. Tout est à créer et à imaginer pour que ces lieux deviennent à la fois des lieux d’apprentissage et de montée en compétence pour les jeunes et des espaces ouverts à tous les publics pour accompagner la transition numérique dans les territoires.
Lancé en 2019, le projet réunit de nombreux partenaires de l’orientation, de la formation, de l’insertion et les acteurs de la Métropole Européenne de Lille. Il devra s’adapter aux contraintes sanitaires liées au Covid et un report de l’ensemble de l’opération sera nécessaire d’un an.
Solution
Solution
Pour favoriser l’autonomisation des personnes les plus éloignées de l’emploi et pour remobiliser sur les plans professionnels, la solution retenue est de proposer un atelier de fabrication dédié au numérique organisé en mode projet en intégrant la notion de bénévole et utilité sociale dans la production de biens et de services communs.
La Fab’Num est à la fois un Fablab, une action de formation préparatoire aux métiers du Numérique et un lieu de co-design et de réalisation de biens communs au service du territoire.
Un dispositif 3 en 1 : une fabrique de mobilisation et de remobilisation, une fabrique numérique assistée, une fabrique de biens et services au service du territoire.
L’apprentissage par projet
Choisir le mode projet comme approche pédagogique est innovant par rapport au public cible. Il associe approche pairagogie et formation en situation de travail. Apprendre en collectif et collaborer autour d’un projet limité dans le temps positionne le jeune au coeur de l’apprentissage en situation réelle. Le levier est l’action concrète. Les jeunes apprenants deviennent des Makers.
Les jeunes vont acquérir non seulement des savoirs-faire et mais aussi des savoirs-être dans un milieu de travail. L’encadrement éducatif et productif des Fabmanagers assure la coordination des activités tout respectant des règles et des contraintes d’un lieu de production et le développement d’un esprit équipe au sein de la promotion. Les projets 100% en mode projet sont abordés de façon collective en petit groupe. Chaque jeune s’implique dans la réalisation de chaque commande en participant à toutes les activités nécessaires pour produire le bien ou le service. De plus, à tout de rôle, les jeunes s’investiront comme responsable d’un projet collectif ou comme référent dans le suivi des commandes. Ce process constitue un levier de mobilisation favorisant le « apprendre ensemble » et le développement de compétences comportementales les « Soft Skills ».
Pour placer les jeunes au coeur de l’apprentissage et générer une impulsion dynamique de groupe, les compétences des jeunes acquis avant leur entrée dans la Fab’Num sont mobilisées pour former les autres membres du groupe lors de la réalisation du bien. Mutualisation et entraide font parties des principes du fonctionnement de la Fabrique ainsi que bienveillance et droit à l’erreur. Par ailleurs, des actions comme journées d’intégration ou découvertes et visites de lieux de formation, d’association, de fablab ont été proposés aux jeunes pour favoriser l’acculturation du milieu associatif.
Des jeunes apprenants et bénévoles
Cette expérimentation a accueilli des jeunes âgés de 16 à 25 ans en rupture scolaire ou en difficultés d’insertion de niveaux différents d’infra-bac à la licence, domiciliés sur le Bassin d’emploi de la Métropole Nord-Ouest ou du bassin d’emploi Val de Marque, motivés pour une démarche de volontariat au sein d’une association. Inscrits dans les missions locales, lors de réunions d’informations collectives (RIC), ils découvrent la Fab’Num et rencontrent la coordinatrice du projet. 24 jeunes sur 2 promotions vont ainsi participer à l’aventure pour une période de six mois d’apprentissage.
En recherche d’un projet professionnel concret, la Fab’Num leur permet de bénéficier d’une formation pratique sur les techniques du numérique en contrepartie ils produisent et rendent des services aux habitants. Pour ce faire, les jeunes s’engagent dans une mission de service civique avec pour employeur la Mission locale. Ce statut de volontaire leur permet d’obtenir une indemnité mensuelle et une protection sociale mais leur confère aussi des devoirs vis-à-vis de leur employeur. Les jeunes apprenants deviennent des Makers et Bénévoles.
Moyens mobilisés
Moyens mobilisés
Pour créer et développer la Fab’Num, une équipe a été constituée comprenant une coordinatrice, 2 Fabmanagers complétée par des intervenants ponctuels. Garants de l’accompagnement technique des jeunes et du relationnel avec les acteurs du territoire, l’équipe a organisé apprentissage et activité en mode projet selon le cadre défini de fonctionnement du Fab’Num. Lieux, matériels et outillages ont été mis à disposition par les villes pour permettre la fabrication des biens numériquement assistée.
Un mode d’organisation adaptée à la pédagogie
La coordinatrice, cheffe d’orchestre du projet a élaboré et développé le projet de la Fab’Num en pilotant l’activité dans ses dimensions partenariales, sociales, pédagogiques et financières. Elle porte également la dynamique de coopération en promouvant le fablab et les tiers lieux auprès des jeunes et les acteurs du territoire. Son implication se situe également dans le suivi du parcours de chaque jeune par des entretiens et dans le management de l’équipe.
Représentant de la fabrique auprès des jeunes et des habitants du territoire, le fabmanager est l’accompagnateur pédagogue et le gestionnaire du tiers-lieu. Il s’assure de l’appropriation des usages et moyens numériques auprès des jeunes au quotidien et il est le garant de la production des biens et des services auprès des habitants du territoire. Pour ce faire, il organise le partage des connaissances et pratiques liées au numérique, anime les ateliers tous en gérant la fabrication des biens communs, la maintenance des machines, la gestion des stocks. Le fabmanager, est en situation réelle de chantier école et de concepteur de services. Comme les jeunes, la gestion et l’organisation de son activité fonctionne en mode projet.
Pédagogie par projet, organisation par projet sont les fondements de l’expérimentation.
Résultats
Résultats
Après avoir vécu 6 mois ensemble, les jeunes apprenants et volontaires repartent avec des nouvelles compétences techniques et comportementales pour mener à bien le projet d’insertion. Formation, contrat d’alternance, contrat de travail sont leurs devenirs après cette expérience humaine et formatrice. La Fab’Num réunit de nombreux acteurs des territoires. Ensemble, ils ont permis sa création et son déploiement. Ils sont devenus partenaires de l’émergence une dynamique locale autour du décrochage scolaire et de la transition numérique.
Des jeunes en devenir
24 jeunes se sont portés volontaires pour devenir des apprenants Makers pendant 6 mois, 24 h par semaine. Une seule personne n’ira pas jusqu’au bout de l’aventure. La fabrique a été imaginée pour eux et la fabrique existe avec eux. Positionné dans un encadrement bienveillant, où le droit à l’erreur existe, ils vont pouvoir se remobiliser personnellement et professionnellement. Près de 70% ont choisi de s’orienter vers des métiers de la communication, de l’information et de la culture en intégrant des dispositifs régionaux ou nationaux tels que Dynamique vers l’emploi ou Garantie jeunes leur permettant d’accéder à une qualification ou un contrat d’apprentissage. 8 jeunes sont en activité professionnel en contrat à durée déterminée ou en intérim.
Au total 23 jeunes sont en devenir professionnel après le passage à la Fab’Num.
La mobilisation des partenaires un atout majeur
Différentes typologies d’acteurs se sont mobilisées pour soutenir l’expérimentation en apportant conseils, ressources, financements et pour travailler avec la Fab’Num dans le recrutement et l’accompagnement des jeunes.
Le directeur de la Fab’Num de Gonesse a accompagné la mise en route de l’expérimentation. Impliqué dans la montée en compétence des équipes, Il partage son expérience et les valeurs de la FAb’Num, en jouant le rôle de consultant-parrain tout le long de ces 2 années. Le groupe POP a aussi rejoint l’aventure Fab’Num.
Les missions locales, employeur des jeunes en service civique, participent au sourcing des jeunes et au recrutement. Tout le long du parcours, les missions locales seront présentes dans le suivi du jeune et pour travailler avec eux sur les suites à donner à la fin des 6 mois d’apprentissage.
Les villes de Marcq-en-Baroeul et de Hem ont soutenu ce projet en mettant à disposition des locaux, la Métropole Européenne de Lille accompagnent et financent son déploiement en tant que tiers lieu.
La compagnie des tiers lieux permet l’inscription de la Fab’Num dans un réseau d’acteurs et facilite les échanges de bonne pratique. La compagnie des tiers lieux porte un projet européen « React-EU » auquel la FabNum est associée.
Le Conseil Régional soutient financièrement le projet dans le cadre du programme formation Innovation co-financé par l’Etat et s’inscrit dans le PACTE Hauts-de-France (Plan d’investissement régional dans les compétences).
Réussites et freins
Résussites et freins
Le dispositif met les jeunes apprenants makers volontaires en situation de remobilisation. La production d’actions concrètes au quotidien a pour effet d’accroitre non seulement leur autonomie, leur capacité de collaboration, mais aussi le développement de leurs compétences dans les savoirs-faires numériques. Les jeunes gagnent en confiance. Fab’Num a ainsi permis à des jeunes d’un territoire d’acquérir des compétences techniques et comportementales, de découvrir les métiers autour du numérique pour définir leur projet professionnel.
La pédagogie sur le mode projet « réel » et le pilotage et l’organisation en mode projet de la Fab’Num constituent le caractère innovant de l’expérimentation.
Associer un dispositif de formation à un dispositif d’utilité sociale a pour impact de rattacher les objectifs pédagogiques à une situation professionnelle réelle répondant à des besoins identifiés pour des habitants. Au sentiment de confiance vient se greffer le sentiment de fierté en apportant des services gratuits pour les habitants de leur ville.
L’expérimentation a permis aussi l’ouverture deux lieux d’accueils au plus proche des habitants. Soutenir la transition numérique inclusive des territoires est deuxième objectif de la Fab’NUM. Réaliser une enquête auprès des habitants pour identifier les besoins, organiser des ateliers pour accompagner les publics sur l’usage du numérique, produire des biens communs pour les villes et les associations, toutes ces actions font que Fab’NUm s’installe dans le paysage comme un nouvel acteur économique et social.
Les freins principaux rencontrés sont liés à la pandémie qui ont généré un retard dans le lancement du projet. Le recrutement des jeunes et la mise en oeuvre du mode projet ont été impactés dans cette phase. Les formations civiques et citoyennes n’ont pas pu être réalisées dans leur entièreté. La création de deux lieux de formation a nécessité de doubler les fabmanagers, doubler le matériel. Ces lieux éloignés auraient pu avoir un impact sur la cohésion de l’équipe pédagogique. Mais, un temps de travail collectif hors face-à-face pédagogique a permis non seulement de faire des points sur les progrès des jeunes mais également de travailler ensemble et de partager les avancées de l’expérimentation.
Et demain?
Et demain?
La question de la pérennité de la Fab’Num, de la reconnaissance des compétences acquises des jeunes et du transfert et de l’essaimage en région se posent. Il s‘agit dès lors de transformer l’expérimentation en modèle économique stable et structurant et gagner en autonomie.
Pour mener ces chantiers deux études sont en cours de réalisation. L’université de Lille et son unité de recherche Cirel (URL 4354) participent par convention à une démarche d’évaluation de transfert du dispositif et la production d’une modélisation de la fabrique numérique.
Un FIDESS (Fonds d’Investissement pour le développement de l’entreprenariat social et solidaire) a été obtenu auprès de Nord Actif pour accompagner la construction du modèle économique, juridique et financier à mettre en place pour garantir une activité pérenne.
La volonté de poursuivre Fab’Num et de l’installer sur le territoire est porté par ses partenaires et des études et recherches de financement sont en cours pour continuer l’aventure.
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